Le taux servi aux investisseurs en crowdfunding immobilier se situe entre 8 et 12 % par an, sur un horizon de placement généralement annoncé entre 12 et 36 mois. Ce taux est sans commune mesure avec les taux de rendement des placements les plus courants (0,75 % pour le Livret A, 2,50 % pour l’assurance vie en euros ou même 5 % pour les SCPI). Il est également très supérieur aux taux d’intérêt des banques (3 à 5 % pour un découvert bancaire ou un crédit automobile). Comment est-ce possible ? Ceci ne résultat-t-il pas d’une prise de risque excessive ? Pourquoi le promoteur accepte-t-l de payer autant ?

Je tente ici d’y apporter des éléments de réponse en plusieurs temps dont je détaillerai certains plus loin :

  1. Les placements proposés par le crowdfunding immobilier sont des investissements en fonds propres et c’est comme tels qu’il faut mesurer leur risque et leur rentabilité (pour l’investisseur) ou leur coût (pour le promoteur).
  2. Les promoteurs indépendants ont toujours eu recours à des investisseurs privés fortunés pour trouver les fonds propres qui leur manquaient. Depuis 3 ans, le recours au crowdfunding a permis d’ouvrir ce marché vers des investisseurs particuliers, à un moment où les besoins de fonds propres des promoteurs étaient eux-mêmes en forte croissance.
  3. Le retour sur investissement (ici le rapport entre le résultat de l’opération profit et les capitaux propres engagés) atteint en moyenne 25 % par an avant impôt dans la promotion immobilière ; c’est un niveau assez standard pour une activité productive et commerciale, compte tenu des aléas et risques résiduels des projets de promotion.
  4. Dans ces conditions, le promoteur qui a l’opportunité foncière de lancer un programme de promotion, mais ne dispose pas des capitaux propres suffisants pour le faire, peut trouver avantage à rémunérer 15 % par an des fonds propres qui vont lui rapporter 25 % (ce qu’on appelle l’effet de levier).
  5. Le coût de cette ressource affichée à 15 % par an additionne le rendement versé aux investisseurs (10% en moyenne) et les coûts d’intermédiation de la plateforme : recherche, analyse, sélection, montage et suivi des investissement, d’un côté, marketing, communication et gestion des investisseurs de l’autre.
  6. En échange d’un rendement (15 %) inférieur à celui que perçoit le promoteur (25%), les investisseurs bénéficient d’un niveau de protection renforcé : en général, leurs fonds propres sont remboursés les premiers (avant ceux du promoteur) après le crédit bancaire et les investisseurs bénéficient souvent d’une garantie à première demande ou de la caution personnelle du promoteur.

Dans un article à venir on verra quels sont les risques d’une opération de promotion, et comment ils sont analysés et gérés pour être réduits autant que possible.


Les placements proposés par le crowdfunding immobilier sont des investissements en fonds propres

• Un projet d’investissement, qu’il soit personnel ou professionnel, n’est jamais totalement financé à crédit. Ainsi, la banque qui prête à un particulier pour acheter son logement lui demande en général un apport personnel de 20 à 30 %. De même, quand une banque prête à une entreprise pour financer un actif, elle s’assure que l’entreprise dispose de fonds propres suffisants et ne lui prête jamais 100 % de la valeur de l’actif.

• Le raisonnement s’applique dans les mêmes conditions à un projet de promotion : la banque accepte de financer la société de projet pour l’achat du terrain et le démarrage des travaux à condition que le promoteur fasse un apport personnel en fonds propres à cette société.

• Le promoteur ne dispose pas toujours des fonds propres suffisants et au moment opportun. Comme une entreprise cotée peut émettre du capital pour financer sa croissance, le promoteur peut alors décider de lever auprès d’investisseurs une partie des fonds propres requis pour lancer l’opération.

• Mais à la différence de la bourse, le marché des fonds propres des TPE/PME, qu’elles soient promoteur immobilier ou fabricant de fenêtres, n’est pas organisé : longtemps, seuls des particuliers fortunés, capables d’investir de grosses sommes, y ont eu accès. Le crowdfunding a tout à la fois ouvert et standardisé ce marché.

Au final, ce sont donc bien des fonds propres que le crowdfunding apporte au promoteur et c’est comme tels qu’il faut mesurer leur risque et leur rentabilité (pour l’investisseur) ou leur coût (pour le promoteur).


A volume d’activité égal, les besoins de fonds propres des promoteurs indépendants ont doublé depuis 2008.

Deux raisons à cela :

• Les banques ont sensiblement relevé le niveau d’apport personnel qu’elles demandent pour accepter de financer les opérations de promotion : en 2007, un programme de 50 logements à Toulouse nécessitait environ 700.000 € de fonds propres, plutôt 1 million en 2016

• Par le jeu des contraintes administratives et réglementaires et des rythmes d’écoulement, les promoteurs doivent immobilier plus longtemps leurs fonds propres dans leurs opérations.

Dans ces conditions, les promoteurs indépendants ont dû, soit réduire leur volume d’activité, soit trouver des investisseurs auprès de qui lever les fonds propres qui leur manquait.


Le retour sur investissement atteint en moyenne 25 % par an avant impôt dans la promotion immobilière, c’est beaucoup ?

Le rendement des fonds propres que le promoteur investit dans la promotion peut être estimé à 25 % en moyenne. Ainsi, pour le programme toulousain mentionné avant, le promoteur peut espérer dégager une marge sur chiffre d’affaires avant impôt de 6 % (standard pour une activité productive et commerciale) soit 500.000 €. Ramenée à 1.000.000 € de fonds propres ceci correspond à un retour sur investissement de 50 % sur 2 ans, soit 25 % par an.


25 % ? C’est trop, les promoteurs s’entendent pour ne pas baisser leurs prix !

J’estime qu’un taux de marge avant impôt attendu de 6 % du chiffre d’affaires est un niveau standard pour une activité industrielle et commerciale comme l’est la promotion immobilière. Il permet de faire face à des imprévus techniques, un ajustement des prix ou un retournement de tendance pendant la durée de l’opération.


15 % c’est anormal à un moment où les taux d’intérêt sont tout juste positifs ?

Les taux d’intérêt quasi-nuls dont on parle souvent sont ceux qui s’appliquent aux Etats souverains de bon standing ou aux grandes banques internationales. Aucune TPE/PME n’y a accès.

Nous estimons aujourd’hui entre 7 à 10 % le taux d’intérêt tout compris (y compris les nombreuses commissions qui l’accompagnent) que pratiquent les banques pour des crédits à moyen terme à des TPE/PME. Ces taux permettent aux banques de couvrir le coût de leur ressource, leurs couts d’intermédiation (on estime entre 3 et 4 % des encours le coût d’un réseau bancaire) et le coût du risque. C’est d’ailleurs le taux que pratiquent les plateformes de crowdfunding en crédit.

Le taux de 15 % payé par le promoteur pour des fonds propres qui seuls lui permettront de lancer son projet me semble cohérent avec un taux de 7 à 10 % qu’il paie à sa banque pour le crédit bancaire.